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Mar 21st, 2019
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  1. Sexisme dans le milieu de la pub : « Je présente mes excuses aux femmes que j’ai blessées »
  2. Après les révélations du « Monde », le 4 mars, sur le sexisme et le harcèlement dans le secteur, la parole se libère.
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  4. Par Yann Bouchez et François Bougon Publié le 15 mars 2019 à 11h24 - Mis à jour le 15 mars 2019 à 19h03
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  15. SEVERIN MILLET POUR "LE MONDE"
  16. Chez Marcel, filiale du groupe Publicis, le courriel a pris de court tous les salariés. Envoyé en milieu de matinée, lundi 11 mars, il les conviait à se retrouver à 12 h 30, devant le bureau de la direction. Sans donner de précisions. « Important », était-il précisé dans l’objet du courriel. Les employés de cette agence publicitaire ont eu alors la surprise d’entendre leur patron, Pascal Nessim, lire un court texte d’excuses écrit pendant le week-end.
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  18. Au lendemain des révélations du Monde (journal daté du 5 mars) sur le sexisme et le harcèlement dans la publicité, cette figure du secteur avait été mise en cause nommément sur Facebook par deux anciennes employées. Elles s’en prenaient à ses propos sexistes et à connotation sexuelle sous le couvert de l’humour, qui les avaient fait souffrir.
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  20. Plusieurs femmes nous ont également rapporté des propos « dégueulasses », à l’image de cette jeune cadre passée chez Marcel il y a moins de cinq ans : « Alors que j’étais encore en période d’essai, il a dit, en plein milieu de l’open space : “Ah bah j’y ai perdu au change, la nana que tu remplaces avait des jambes autrement plus longues, et plus de seins.” »
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  22. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans le milieu de la pub, le règne du sexisme
  23. Tous ces récits, « ça m’a bouleversé », explique Pascal Nessim, rencontré, mercredi 13 mars, dans un bar près des Champs-Elysées. D’où sa décision de parler : « J’ai vu tellement de souffrance s’exprimer la semaine dernière que j’ai compris, a-t-il dit lors de cette prise de parole devant les salariés. J’ai compris que j’ai fait du mal et qu’il serait inutile de penser que l’avoir fait sans en avoir conscience puisse atténuer quoi que ce soit. Ces dernières années, il m’est arrivé de tenir des propos désobligeants, déplacés, parfois humiliants, dans le cadre de mes relations professionnelles. J’en ai honte et je souhaite présenter mes excuses à toutes les personnes, et en particulier aux femmes que j’ai pu blesser, y compris celles et ceux qui n’osent pas encore s’exprimer. » Il a également pris « l’engagement solennel (…) de changer dès aujourd’hui ; en espérant que vous l’accepterez », a-t-il ajouté.
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  25. « Tolérance zéro toujours et partout »
  26. Les réactions ont été diverses, selon les témoignages recueillis par Le Monde. Certains ont été convaincus, estimant qu’il était déterminé à changer. D’autres doutent encore. « Il a peur, ce ne sont pas de vraies excuses », témoigne une salariée, qui préfère rester anonyme.
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  28. Interrogé sur ce mea culpa qui peut sembler tardif, Pascal Nessim répond : « Cela fait dix-huit ans que je dirige cette boîte, de manière “friendly”. Et finalement, quand t’es dans le “friendly”, tu vois pas les choses. Tu vois les 80 % de gens qui rigolent à tes conneries, mais tu ne vois pas ceux que tu peux faire souffrir. »
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  30. Le jour même, en fin d’après-midi, la présidente de Publicis Groupe France, Agathe Bousquet, envoyait un autre courriel à l’ensemble de l’entreprise pour rappeler sa détermination sur ce sujet : « Nous appliquons et appliquerons une tolérance zéro toujours et partout. » Contactée, Publicis indique n’avoir jamais eu vent de comportements sexistes ou de propos à connotation sexuelle chez Marcel.
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  32. Pascal Nessim, lui, se définit simplement comme « graveleux ».
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  34. « Je ne suis pas un prédateur, je ne suis pas un harceleur, ni sexuel ni moral, se défend-il. Je n’ai jamais eu une plainte contre moi, ni des ressources humaines, ni par mon délégué du personnel, ni par le délégué syndical. »
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  36. Selon nos informations, une salariée a pourtant bien tenté d’alerter un délégué du personnel au début du mouvement #metoo, mais les témoignages, tous anonymisés, qu’elle avait recueillis, n’ont pas pu être exploités à l’époque.
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  38. Flot de témoignages
  39. Après la publication de l’article du Monde, où étaient notamment révélées les accusations de harcèlement moral et sexuel portées contre le directeur de la création de l’agence indépendante Herezie, Baptiste Clinet, cette dernière a annoncé, vendredi 8 mars, se séparer de lui, « d’un commun accord ».
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  41. Mais au-delà du cas d’Herezie, un flot de paroles inédit s’est déversé sur les réseaux sociaux. Le Monde a reçu plus d’une cinquantaine de témoignages, dont de nombreux spontanés, décrivant la rudesse et certaines dérives de ce milieu professionnel.
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  43. Article réservé à nos abonnés Lire aussi #Metoo, procès Baupin, Ligue du LOL : les saines colères des femmes
  44. Des victimes dans d’autres agences ont également pris la parole à visage découvert. Ex-salariée de Fred & Farid, Claire Maoui-Laugier a dénoncé, dans un article publié le 6 mars sur la plate-forme de blogs Medium, des propos insultants et parfois sexistes tenus par l’un de ses patrons, Farid Mokart, la traitant notamment de « sous-merde » ou de « bourge offusquée ». Contacté à plusieurs reprises par Le Monde, ce dernier n’a pas donné suite.
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  46. Plusieurs femmes ont par ailleurs témoigné auprès du Monde de comportements déplacés du fondateur de Buzzman, Georges Mohammed-Chérif. Cette agence a notamment élaboré les campagnes du site Aufeminin.com, de Meetic, ou encore conçu, juste avant l’Euro 2016 de football, un spot intitulé « Je ne supporte pas les bleus », avec une flopée de célébrités dénonçant les violences faites aux femmes. Publicitaire reconnu et primé à de nombreuses reprises, il a reçu la Légion d’honneur en janvier 2017, signe de sa réussite dans le milieu de la publicité.
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  48. « Tentatives de séduction très lourdes »
  49. Mais « GMC » envoyait aussi des messages à caractère sexuel, de manière insistante, à celle qui fut sa responsable presse en 2013. La jeune femme, qui a souhaité rester anonyme, en garde un souvenir pénible. Quand, fraîchement sortie d’école, elle reçoit des photos de son sexe et des propositions très explicites, alors qu’elle n’entretient « pas du tout » de relation amoureuse avec son patron, elle reste « très évasive » dans ses réponses.
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  51. « Comme c’était mon patron, je répondais toujours très vaguement, pour ne pas avoir à lui dire : “Tu déconnes complètement de faire ça”. »
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  53. Alexandra Matine se souvient d’un entretien d’embauche particulier avec « GMC », lors duquel celui-ci multiplie les allusions sexuelles. Au lendemain de l’entretien, il lui envoie de nouveaux messages, renouvelant ses avances, avec des prises de contact professionnelles qui « finissaient toujours par des tentatives de séduction très lourdes ». La jeune femme a refusé. Puis raconté, fin 2017, juste après l’explosion de l’affaire Weinstein, son anecdote, anonymisée, sur Medium. « J’en ai marre d’entendre toujours des nanas plus jeunes que moi qui rencontrent ces types-là et qui ont encore les mêmes expériences. Ça me met en colère », explique-t-elle désormais.
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  55. Une ancienne journaliste du magazine Stratégies a évité pendant plusieurs années tout entretien avec cette figure montante de la pub. La raison ? Lors d’une soirée en 2013, « GMC » s’était, selon elle, montré très insistant, allant jusqu’à lui dire : « T’as l’air encore plus salope sans tes lunettes. » Contacté, Georges Mohammed-Chérif n’a pas souhaité nous répondre. Une collaboratrice qui est restée en bons termes avec lui assure que « ce n’est pas du tout le comportement qu’il avait avec les femmes qu’il manage au quotidien ».
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  57. Violence managériale
  58. Au-delà de dérives à caractère sexuel, les témoignages reçus soulignent une violence managériale répandue dans de nombreuses agences.
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  60. Chez Brand Station, une structure d’une vingtaine de personnes, les départs se sont multipliés ces derniers mois, sur fond d’épuisement professionnel. Une dizaine d’ex-salariés de l’agence ont décrit au Monde un harcèlement moral constant de la part du patron, Loïc Chauveau. Le jeune publicitaire, la trentaine, aime pourtant répéter en interview que son agence est née de sa volonté de « créer une agence éthique ». Il n’a pas donné suite non plus à nos sollicitations.
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  62. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Sexisme, harcèlement : « Il est temps de mettre en place une déontologie des entreprises de communication »
  63. Des femmes du secteur ont commencé à s’organiser pour recueillir plus de témoignages et forcer les agences à changer.
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  65. Pascal Nessim juge de son côté qu’il faudra féminiser certains secteurs trustés par les hommes, comme celui des créatifs. Chez Marcel, souligne-t-il, les cinq directeurs de création sont des hommes. « Je veux que le prochain soit une femme », assure-t-il.
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  67. Dans Stratégies, Mercedes Erra, présidente exécutive d’Havas Worldwide et coprésidente fondatrice de BETC, juge que « l’enjeu est le rééquilibrage des métiers » : « On laisse moins passer quand la patronne est une femme. Les hommes osent moins, tout simplement. » Dans un communiqué diffusé le 7 mars, l’AACC, le syndicat professionnel des agences-conseil en communication, a rappelé les structures existantes pour dénoncer ces cas, se disant déterminé « à faire disparaître toutes les formes de mauvaises pratiques managériales, qu’il s’agisse de sexisme, de harcèlement sexuel ou de harcèlement moral ».
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  69. Yann Bouchez et François Bougon
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