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Nov 21st, 2019
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  1. La Paysanne et le Blobouille
  2. Il y a bien longtemps, dans une petite région sans grande valeur du Denimope, un petit village tout ce qu’il y avait de plus commun à l’époque. Les villageois y vivaient essentiellement de leurs cultures et de leurs élevages, travaillant toute l’année dans le seul but de se nourrir et de se chauffer. Ils n’avaient que peu de comptes à rendre aux plus grands qui ne se souciaient pas vraiment d’eux, ayant bien mieux à faire autre part. Les paysans se levaient le matin, travaillaient toute la journée et se couchaient, éreintés, le soir venu. Telle était leur vie, sans péripéties aucune.
  3. Vint un jour où un couple de paysan eut une fille. L’enfant, chétive, fut couvée par ses parents qui la chérissaient. Ayant décidé de lui épargner les travers du travail manuel, ils ne l’initièrent qu’au strict minimum de la vie de paysan. Ainsi, sa vie était très différente de celle des autres villageois.
  4. La petite paysanne se levait le matin, un peu plus tard, alors que les Domrochs avaient déjà été trais. Elle prenait son petit-déjeuner, seule, puis rejoignait ses parents pour les aider à nourrir les volailles et porcs. C’était une tâche qu’elle associait plus au plaisir qu’à la corvée, car elle avait ce don peu commun de pouvoir communiquer facilement avec les animaux. Ensuite, ses parents lui laissaient quartier libre, mais elle restait près d’eux, vagabondant d’un point à l’autre de la ferme. Elle ne cessait de demander à ses parents quand elle pourrait participer aux tâches de la ferme, mais ses parents lui répétaient sans relâche qu’elle était encore trop jeune.
  5. Peu à peu, la petite paysanne se montrait insistante. Lassés de l’avoir dans leurs pattes, mais désirant tout de même lui épargner le travail, ses parents finirent par l’obliger à se rendre au village pour aller jouer avec d’autres enfants de son âge. Hélas, la petite paysanne était bien la seule enfant du village à être ainsi traitée.
  6. Aussi, tous les jours, l’enfant errait telle une âme en peine dans le village, cherchant de la distraction, souvent en vain. Elle n’en voulait pas à ses parents, sachant que ceux-ci désiraient juste la préserver de la dure vie qu’ils avaient eux-mêmes vécue. Mais pour autant, elle ne s’ennuyait pas moins.
  7. Tous les autres enfants travaillaient bien, eux, et se moquaient même d’elle, pensant que si elle n’aidait pas ses parents, c’est parce qu’elle était trop gourde pour cela.
  8. La petite paysanne avait bien essayé de trouver refuge chez les animaux de sa ferme. Mais ceux-ci se montraient méfiants, et l’enfant ne comprit pourquoi que lorsqu’elle vit sa mère plumer un poulet avec lequel elle s’était amusée une après-midi pour le faire cuire au soir.
  9. Aussi, comme presque tous les jours, la petite paysanne était assise, les genoux pliés contre son petit corps, la tête dans les mains et les joues gonflées, s’ennuyant une fois de plus. Rien ne se passait jamais dans le village, et elle aurait beaucoup donné pour se faire de vrais amis, où pour améliorer son quotidien. Peut-être qu’en soulageant ses parents de leur travail, elle pourrait enfin profiter de leur compagnie ? Peut-être qu’avec un peu d’argent, elle pourrait aussi s’acheter des jouets plus excitants que ses maigres pierres et bouts de bois qu’elle ramassait avant de les rejeter plus loin ?
  10. Elle pensait à tout cela quand, soudain, quelque chose sortit de l’ordinaire. Une silhouette venait d’apparaitre un peu plus loin. À cette heure-ci, pourtant, il n’y avait jamais personne, car tout le monde était au champ. La petite paysanne fronça les sourcils pour mieux voir ce visiteur, curieuse. Il ne ressemblait à aucun homme du village, ni même à aucun des rares visiteurs de passage qu’elle avait déjà vus. L’homme était grand, et portait un énorme sac sur le dos. Il semblait porter une toge rapiécée, trouée par endroit, ainsi qu’un drôle de chapeau. Plus il se rapprochait et plus de détails apparaissaient. Aussi, la petite paysanne put remarquer, non sans amusement, que son couvre-chef était trop grand pour sa caboche, et cachait ainsi ses yeux. Le visiteur avait de longs cheveux blancs comme la jeune enfant n’en avait jamais observés auparavant. L’intérêt fit cependant vite place à l’appréhension lorsqu’elle se rendit compte que l’homme se dirigeait droit vers elle, un étrange et large sourire au visage.
  11. Il s’arrêta à ses pieds, comme pour la toiser de toute sa taille, souriant toujours de manière perturbante. La petite paysanne se releva, un peu apeurée, esquissant un mouvement de recul. Cependant, maintenant que quelque chose venait enfin briser le train-train quotidien, elle ne voulait pas fuir. Juste être prête à réagir.
  12. - Hé bien, jeune enfant, tu ne travailles pas comme le commun des mortels, à cette heure de la journée ? lança l’inconnu en guise de salutation.
  13. - Non, monsieur, répondit la petite paysanne. Mes parents ne veulent pas que je travaille.
  14. - Alors pourquoi ne joues-tu pas avec tes amis ?
  15. - Les autres enfants travaillent, eux.
  16. - Et pourquoi ne pas te lier avec des animaux, toi qui en est capable mieux que quiconque ?
  17. - Parce que ça ne dure jamais très longtemps, à la ferme, répondit la paysanne avec un peu de déception dans la voix, ne se rendant pas compte que l’homme en savait déjà long sur elle.
  18. - Je peux le comprendre, soupira l’homme en penchant la tête sans cesser de sourire de ses dents parfaitement blanches. Mais alors, pourquoi ne pas aller voir plus loin ?
  19. - Plus loin ? répéta l’enfant, intriguée.
  20. - Oui. Je viens de passer à l’orée du bois voisin, près du cours d’eau. Il y a là une vaste mare fréquentée par de nombreux animaux. Je suis sûr que tu pourrais t’y faire de nouveaux amis.
  21. - Vraiment ?! s’étonna la jeune paysanne, un sourire se dessinant sur le visage. Mais je n’en ai jamais vue, avant ?
  22. - Elle doit être récente, dans ce cas, répondit l’homme en haussant les épaules. Tiens, vois donc…
  23. Il pivota et pointa du doigt un écureuil sur un arbre. Ce dernier leur tournait le dos, et observait vers la forêt, du côté du cours d’eau. Il fallut un moment à la petite paysanne pour le remarquer, et elle ne put s’empêcher de s’extasier, car elle n’en avait encore vus que très peu par le passé.
  24. - Ce petit animal ne devrait pas tarder à s’y rendre, lança l’homme. Si tu veux trouver ce coin secret, tu devrais le suivre. Qui sait ? Cela devrait briser ta routine !
  25. L’enfant se mordit les lèvres, sentant l’excitation grandir en elle. Lorsque l’écureuil sauta au sol, elle s’élança pour le suivre. Après avoir fait quelques mètres, elle se retourna pour remercier l’inconnu pour ses indications d’un signe de main. Mais il n’était déjà plus là. Ne prenant pas le temps de s’étonner, la petite paysanne porta son attention sur le rongeur afin de ne pas le perdre de vue, bien trop contente de fuir la monotone vie quotidienne.
  26. La paysanne courait après l’écureuil. Si celui-ci n’avait pas accéléré, il n’en était pas moins plus rapide qu’elle. Aussi crût-elle un instant qu’elle allait le perdre de vue. Pour éviter cela, elle lui cria de s’arrêter et l’animal, surpris d’être ainsi interpellé, s’arrêta. Il la regarda se rapprocher, circonspect, mais pas effrayé. Quand elle arriva à sa hauteur, elle s’arrêta pour reprendre son souffle, et l’écureuil éclata de rire.
  27. - Pourquoi une petite fille d’homme tient-elle tant à me suivre ? demanda-t-il ensuite, l’air curieux.
  28. - On m’a dit que tu te rendais près d’une mare secrète, où plusieurs animaux se donnent rendez-vous, expliqua la paysanne. Je voulais voir ça de mes yeux et vous rencontrer.
  29. - Si ce n’est que ça, allons-y ensemble, répondit l’écureuil. Je te ferai les présentations.
  30. Sans prévenir, il grimpa sur ses épaules. La petite sursauta, mais sourit en voyant que l’animal était si amical. Il lui montra d’un signe de tête la direction à emprunter, et ils reprirent la route d’un pas moins pressé.
  31. Il leur fallut un bon moment avant d’arriver sur place, mais quel spectacle s’offrit aux yeux de l’enfant. L’inconnu n’avait pas menti. Il y avait une belle mare, qui était reliée au cours d’eau par un mince filet d’eau, tout proche des fourrées du bois. De grands roseaux Salut semblaient lui faire des signes de main, secoués qu’ils étaient par la brise légère. Plusieurs nénuphars aux belles fleurs roses parsemaient le point d’eau. Lorsqu’ils arrivèrent, un grand oiseau avait la tête plongée dans l’eau, comme s’il y cherchait quelque chose. Tout autour, la paysanne reconnut plusieurs terriers, de différentes tailles, au milieu de trèfles et des fleurs multicolores. Des papillons et des libellules voltigeaient de partout, et on entendait le chant des oiseaux égayer la scène.
  32. Le décor émerveillait la paysanne, qui était habitué aux mornes surfaces cultivées de la propriété de ses parents et aux tristes maisons du village. C’était la première fois qu’elle s’en éloignait autant, ignorant que de tels trésors se cachaient à deux pas de chez elle. Très vite, elle aperçut tout un petit monde de souris et campagnols, et même de quelques lapins, qui semblaient en pleine discussion près de la rive. Ce qui ressemblait à une boule couverte de pustules observait les mammifères débattre d’un air absent, à moitié plongée dans l’eau.
  33. - Voici la mare que tu recherchais ! s’écria l’écureuil d’un ton réjouis.
  34. Comme il lui parlait, les autres animaux semblaient soudain prendre conscience de la présence de la petite paysanne. Mais quelque chose d’autre attira leur attention. Relevant soudain la tête, l’oiseau qui pêchait dévoila son grand bec parsemé de trous et dont s’échappait ainsi l’eau de la mare. Le Pelifiltrer* sursauta et fit un pas maladroit en arrière, avant de se retenir de tomber en battant des ailes. Il s’envola ensuite d’un air paniqué, sous les railleries des petits animaux.
  35. - Qu’est-ce qui lui arrive ? demanda la petite paysanne, amusée par cette fuite inopinée.
  36. - C’est que Pelifiltrer a peur de vous, les hommes, répondit un dodu lapin en se trémoussant, observant l’enfant avec méfiance.
  37. - Ha bon ? s’étonna une souris.
  38. - Mais oui, Crécerelle nous l’a déjà fait savoir ! lança l’écureuil en roulant des yeux. Mais tu te cachais encore quand elle nous l’a annoncé. Mais peu importe. Cette jeune fille d’homme voulait voir notre belle mare de plus près.
  39. Le tumulte de conversation qui s’en suivit eut tôt fait de perdre la petite paysanne. Chaque animal y allait de son petit commentaire sur la nouvelle venue, manifestant tantôt méfiance, tantôt intérêt. Seul la boule dans sa mare, qui la fixait de ses petits yeux noirs sans bouger, restait encore muette comme une carpe. Finalement, l’écureuil se fit entendre haut et fort pour faire cesser ce tintamarre.
  40. - Silence ! Quelle image donnez-vous de notre compagnie ? Vous feriez mieux de vous présenter, c’est pour nous rencontrer qu’elle est venue jusqu’ici !
  41. - Très bien, grommela le lapin qui avait déjà parlé. Je suis Maitre Lapin, l’aîné de ma famille ici présente.
  42. - Quant à nous, tu peux tous nous appelées Souris ! poursuivit le rongeur, déclenchant l’hilarité des siens. Je te souhaite la bienvenue parmi nous !
  43. Les petits animaux se rapprochèrent de la jeune paysanne et sympathisèrent rapidement avec elle. Ils lui grimpaient partout comme l’avait fait l’écureuil et s’amusaient à la chatouiller. L’enfant riait aux éclats et semblait fort bien s’amuser. Si quelques lapereaux se rapprochaient d’elle et commençaient à son tour à jouer et à se laisser caresser, Maitre Lapin semblait rester plus méfiant, si bien que la petite paysanne décida de lui demander pourquoi.
  44. - C’est évident, non ? répondit-il. Il existe des chasseurs, parmi les hommes, et ceux-ci nous chassent pour nous manger !
  45. La remarque fit rougir l’enfant. C’était bien vrai, il y avait un chasseur au village, qui partait parfois dans les bois et revenait avec du gibier. Mais elle lui assura qu’elle ne maniait pas la sagaie, qui était d’usage à l’époque, et qu’elle et ses parents tenaient une ferme. Maitre lapin se renfrogna, ne sachant s’il devait la croire ou non, jusqu’à ce que l’écureuil ne commence à se moquer de lui.
  46. - C’est parce qu’il a failli se faire manger qu’il est si rabat-joie !
  47. - C’est faux ! répliqua le lapin. J’avais parfaitement vu Magphasme avant qu’il n’essaye de m’attraper et s’il avait insisté, je lui aurais mais la raclée de sa vie !
  48. - Vraiment ? ricana alors une voix grave qui semblait provenir de nulle part.
  49. Maitre lapin sembla devenir plus blanc que la neige, et tous les animaux se turent, l’air effrayé. C’est alors que la paysanne le vit. Ce qu’elle avait d’abord pris pour une branche d’arbre par terre se redressait. Il s’agissait d’un Magphasme, un grand insecte capable de se camoufler comme aucun autre, disposant de plusieurs paires de pattes et, surtout, d’un aiguillon au bout de son long abdomen, sous ce qui ressemblait à une feuille. Il n’était pas étonnant que l’insecte ait essayé de faire son repas de Maitre Lapin. L’arthropode s’avança lentement vers la mare, et tous les rongeurs se réfugièrent sur la paysanne. Les lapins avaient tous fuis dans leur terrier, sauf leur ainé, qui l’observait effrayé, sans oser bouger. Le Magphasme but quelques gorgées d’eau, puis se tourna vers lui, feintant une attaque. Le lapin en tomba à la renverse et l’insecte éclata de rire.
  50. - Tu as de la chance, je suis repu depuis la dernière fois, lui dit-il. Mais ce n’est que partie remise.
  51. Le lapin déglutit, trop effrayé pour répliquer. Puis le Magphasme se tourna vers l’enfant, et celle-ci sursauta, un peu effrayée, reculant d’un pas.
  52. - Je ne suis pas idiot, lança l’insecte d’un ton méprisant. Je pourrai te tuer si je le voulais. Mais je sais ce qu’il arrive à ses prédateurs qui prennent des enfants d’homme comme proie. Ils sont châtiés par les tiens.
  53. La petite fille déglutit. Elle ne savait pas si elle devait se sentir rassurée ou menacée. Mais avant qu’elle ne puisse se décider, une voix aigüe s’éleva de plus loin, attirant toutes les attentions.
  54. - C’est Crécerelle ! s’écria alors la Souris avec panique.
  55. Aussitôt, tous les rongeurs sautèrent du corps de la paysanne où ils avaient trouvé refuge, se poussant les uns les autres pour atteindre leurs terriers. Effectivement, plus loin, un oiseau un peu plus grand que ceux qui chantonnaient se rapprochait en criant.
  56. - Le Prince arrive pour boire ! Le Prince arrive pour boire ! répétait-elle, inlassablement.
  57. - Hé bien, on dirait que tu ne pourras pas rester parmi nous bien longtemps, ricanna le Magphasme.
  58. - Pourquoi tu dis ça ? s’étonna l’écureuil, qui était resté seul sur les épaules de la paysanne.
  59. - Le Prince n’aime pas les hommes, intervint timidement Maitre Lapin.
  60. - Sa Majesté de ses bois vient se désaltérer ! lança la Crécerelle, comme si on ne l’avait déjà pas assez répété, en se posant près de la mare. Je l’ai informé, comme je me le devais, de la présence d’une fille d’homme ! C’est Pelifiltrer qui me l’avait dit.
  61. - Non mais quelle pipelette ! s’écria l’écureuil, l’air pas très rassuré.
  62. - Mais pourquoi il n’aime pas les hommes … ? demanda timidement l’enfant.
  63. - Parce que les vôtres avez déjà essayé à plusieurs reprises de le tuer ! s’écria précipitamment la Crécerelle, comme si elle voulait être la première à le dire.
  64. Comme elle terminait de parler, la jeune paysanne vit le fameux Prince apparaitre de derrière les arbres à l’orée de la forêt. Il s’agissait d’un grand et majestueux cerf aux larges bois, qui avançait avec fierté et prestance. Dès qu’il l’aperçut, le Prince la fusilla du regard. Il se rapprocha en la dévisageant. Il était bien plus grand qu’elle. L’enfant aurait aisément pu le chevaucher, mais quelque chose lui disait qu’il ne se laisserait pas faire ainsi.
  65. - Ainsi donc, Crécerelle n’a pas menti, lança-t-il. Une fille d’homme à notre mare ?
  66. - Bonjour votre majesté ! s’écria l’écureuil en faisant une révérence, imitée par tous les animaux, à l’exception du Magphasme et de la boule, qui observait toujours le tout en restant muette.
  67. - Silence ! ordonna le cerf avec colère. Je ne tolèrerai pas cette présence plus longtemps dans ces lieux. Je vous ordonne de ne plus jamais remettre les pieds ici ! Sinon quoi, je me verrai obliger de vous chasser d’ici, comme vous autres tentez parfois de me chasser moi !
  68. Il avait dit ça en frappant la terre de ses sabots d’un air menaçant, et la petite fille déglutit à nouveau. Aucun animal n’osait protester, et même l’écureuil restait muet, soumis. La paysanne baissa la tête, fort triste d’être aussi vite chassée de ce petit coin qui aurait pu briser sa solitude.
  69. Alors que le prince faisait déjà demi-tour, hautain et fier, les animaux qui l’entouraient commençaient enfin à se tourner vers elle en lui jetant de petits regards tristes. Le Magphasme ricanait en voyant son air dépité, et il s’éloigna sans plus de cérémonie, sous le regard méfiant de Maitre Lapin, disparaissant bientôt parmi les véritables branches sur le sol de la forêt.
  70. Comme la Crécerelle repartait à son tour en chantant la nouvelle à qui voulait l’entendre, les souris extirpèrent enfin la tête hors de leurs terriers. Maitre Lapin et toute sa famille les informèrent rapidement de ce qu’il venait d’arriver, et elles exprimèrent à leur tour toute leur déception. Mais ce n’était évidemment rien comparé à ce que ressentait la petite paysanne, d’être ainsi exclue aussi vite.
  71. - Si je puis me permettre, s’exprima alors soudain la boule aux pustules dans la mare en relevant un peu la bouche hors de l’eau. J’ai peut-être une solution à votre situation, jeune fille d’homme.
  72. Tous se tournèrent vers elle, ou plutôt vers lui. La voix qui s’était exprimée était très grave, et l’animal daignait enfin sortir de l’eau. La jeune paysanne avait vu juste en le comparant avec une boule, car c’était pour ainsi dire la forme de son corps en entier. Il avait la circonférence d’une assiette moyette, et sa large bouche semblait occuper presque tout l’espace. Il avait quatre minuscules pattes, et sortir ainsi de sa mare devait lui demander un effort considérable.
  73. - Je suis Sir Blobouille, se présenta l’animal aux pustules. Je suis veille sur cette mare, et je n’apprécie pas que notre Prince vienne ainsi dicter sa loi stupide en dehors de ses bois. Vous interdire de venir ici est inacceptable ! Vous avez autant le droit que quiconque de venir ici. Ce n’est d’ailleurs pas le seul qui se croit tout permis, par ici…
  74. - C’est vrai ! s’exclama l’écureuil. Le Prince ne peut pas interdire à cette fille d’homme de venir ici avec nous !
  75. - Mais c’est le Prince… rappela Maitre Lapin. Nous nous devons de respecter ses vœux, car il est le plus grand et le plus fort d’entre-nous…
  76. - Mes amis ! s’exclama Sir Blobouille. Ne voyez-vous donc pas que ce tyran profite de vous par sa taille et votre oisiveté ? Nous pouvons changer les choses !
  77. - Mais comment ? demanda la Souris. Nous sommes si petits, et il est si grand…
  78. - Hé bien, ne venons-nous pas de rencontrer quelqu’un qui pourrait nous aider ? fit remarquer le rond animal en se tournant péniblement vers la paysanne.
  79. La petite paysanne se mordit les lèvres, pas très rassurée. À nouveau, tous se tournaient vers elle. Certains, comme Maitre Lapin, semblaient sceptiques, alors que d’autres, l’écureuil et la Souris en particuliers, affichaient de grands sourires.
  80. - Moi ? demanda la paysanne. Mais je ne suis qu’une enfant des fermes, et je ne possède pas d’armes ou quoique ce soit…
  81. - Peut-être alors pourriez-vous guider quelqu’un d’autre vers la cachette du Prince ? proposa alors le Blobouille avec un air de malice. En guidant ce fameux chasseur qui lui a déjà causé de tort, peut-être parviendra-t-il, enfin, à nous débarrasser de ce noble enquiquineur ? Ainsi, vous ne devriez même pas vous salir les mains !
  82. La petite paysanne réfléchit un instant avant de sourire à son tour. Le plan lui plaisait, et la libérerait des contraintes imposées par le Cerf. Aussi, elle hocha la tête pour accepter sa première tâche que le Blobouille lui confia. L’amphibien lui expliqua précisément où le Cerf avait l’habitude de se reposer et comment y accéder. Elle dut répéter plusieurs fois ses consignes pour l’apprendre par cœur. Ainsi, en rentrant au village peu après, elle trouva le chasseur revenu bredouille des bois. Elle l’accosta et lui répéta ce qu’elle avait mémorisé, puis revint à sa maison. L’Ecureuil l’accompagna jusque chez elle, et elle le cacha des yeux de ses parents pour qu’il ne lui arrive aucun mal.
  83. Le lendemain matin, ni l’enfant ni l’Ecureuil n’osèrent s’aventurer jusqu’à la mare, tant que le chasseur n’était pas revenu. Ils s’occupèrent à deux du mieux qu’ils pouvaient, jusqu’à ce que, fendant les airs à toute vitesse, la Crécerelle ne voltigent vers eux, en criant la terrible nouvelle.
  84. - Sa Majesté est morte ! Sa Majesté est morte !
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