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ENTRETIEN AVEC EMMANUEL LEGEARD SPECIALISTE NUTRITION FORCE

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Feb 27th, 2014
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  1. INTERVIEW RIP AVEC EMMANUEL LEGEARD SPECIALISTE INTERNATIONAL DE LA NUTRITION DES ATHLETES
  2. (manque 3 premiers échanges)
  3. Maria Gonzalez : Vous avez beaucoup parlé aussi de la synergie vitamine D/bicarbonate de
  4. potassium?
  5. Emmanuel Legeard : C’est vrai. La synergie vitamine D/bicarbonate de potassium me semble
  6. importante dans le domaine de l’alimentation du sportif de force. A mon avis, elle constitue un
  7. avantage certain pour l’entretien et le développement des fibres blanches de type II, surtout chez les
  8. vétérans.
  9. Maria Gonzalez : Contre la sénescence, il y a le rééquilibrage hormonal, qui marche très fort. J’ai vu
  10. qu’on peut trouver des suppléments sans danger sur le marché susceptibles d’élever par exemple la
  11. testostérone?
  12. Emmanuel Legeard: Dans les substances en vente libre, la liste est très courte, en vérité. Dans
  13. l’ensemble, ça se répartit entre les molécules qui ne marchent même pas sur le papier et celles qui ne
  14. servent à rien en pratique. Toutes sont très vieilles et sont sorties des laboratoires soviétiques entre
  15. les jeux olympiques de Munich en 1972 et les jeux olympiques de Montréal en 1976, période à
  16. laquelle on a élaboré les protocoles capables de dépister l’usage des stéroïdes anabolisants. Elles
  17. réémergent une vague d’amateurs sur deux, le temps qu’on oublie que ça ne marche pas. Notez qu’il
  18. y a des choses qui se présentent bien sur le papier et qui ne valent rien en pratique. Par exemple, on
  19. suppose que la daidzéine du soja pourrait partiellement se convertir en méthoxy-isoflavone une fois
  20. dans l’organisme. Rien n’est moins sûr; en tout cas, il n’existe aucune étude sérieuse, et le fait est que
  21. ça n’a jamais marché sur personne. Et je ne parle même pas des substances franchement comiques
  22. qui n’ont strictement aucun effet.
  23. Maria Gonzalez: Ces substances, quelles sont-elles?
  24. Emmanuel Legeard: Eh bien, parmi celles qui n’ont pas le pouvoir d’élever ni directement ni
  25. significativement la testostérone, il y a la vitamine E, la vitamine PP, le bêta-sitostérol et toutes ces
  26. sortes de choses, dont l’effet est proche de zéro, même sur le papier. J’ai vu dernièrement qu’on
  27. s’était remis à commercialiser très cher du campestérol. Comme les gens n’ont aucune notion de
  28. chimie, on a beau jeu de leur vendre n’importe quoi. Il suffit de leur dire que le campestérol est le
  29. précurseur de la boldénone et on peut leur revendre de l’huile de colza à prix d’or. Seulement le
  30. campestérol est le précurseur de la boldénone comme le cholestérol est le précurseur de la
  31. testostérone. Si on vous vendait très cher du cholestérol sous prétexte d’élever vos taux de
  32. testostérone, vous en achèteriez, vous? Non? Eh bien, voilà.
  33. Maria Gonzalez : Mais vous avez expliqué dans votre conférence que les graisses étaient très utiles à
  34. l’athlète de force, notamment sur le plan hormonal…
  35. Emmanuel Legeard : Mais c’est vaste, le plan hormonal. Par exemple, la vitamine D est apportée par
  36. les graisses et elle est très importante. C’est elle-même… bon, je vais me faire taper sur les doigts par
  37. les puristes, parce que je fais un raccourci un peu cavalier… mais c’est une hormone, la vitamine D, et
  38. elle est indispensable à l’entretien des fibres rapides. Enfin, je vais clarifier un peu. Il y a plusieurs
  39. formes de vitamine D. Pour faire bref, la vitamine D importante, c’est la vitamine D3. C’est celle
  40. qu’on synthétise à la lumière du soleil, et qu’on ne trouve que dans les graisses animales. Pour tirer de
  41. son alimentation de la vitamine D3, il faut manger du poisson gras des mers froides, du foie, ou des
  42. oeufs entiers. Quand elle arrive dans le foie, la vitamine D3 est transformée en calcidiol, qui est
  43. indispensable à l’entretien des fibres blanches de type II à contraction rapide, voire à la
  44. transformation des fibres à contraction lente en fibres à contraction rapide. Or ce calcidiol, c’est une
  45. préhormone. Voilà. Maintenant, puisque manifestement c’est à la testostérone que vous pensez, ma
  46. réponse est : oui, en effet, les graisses saturées et monoinsaturées ont une influence positive sur la
  47. testostérone.
  48. Maria Gonzalez : Jean Texier défendait l’idée curieuse que les acides gras essentiels élevaient la
  49. testostérone ; est-ce qu’il n’avait pas tout faux, en l’occurrence? Parce que je me souviens que vous
  50. avez écrit que contrairement aux graisses saturées, elles le font baisser.
  51. Emmanuel Legeard : C’est un malentendu. Jean Texier était l’un des meilleurs experts au monde de la
  52. diététique culturiste; il était sorti avec un an d’avance parmi les premiers de sa promotion de l’Ecole
  53. Nationale de la Santé Publique dont il était cadre supérieur, et il était international naturel de
  54. culturisme. Il ne disait pas de bêtises. Ce que Jean disait, c’est que les omégas-3 tirés de l’huile de
  55. poisson gras évitent la conversion de la testostérone en DHT. Là, il parlait du rapport favorable de
  56. l’activité anabolique à l’activité androgénique, qui est catabolique. D’ailleurs je me souviens que ça
  57. m’avait donné l’occasion d’échanger quelques courriers avec mon excellent collègue canadien
  58. Anthony Ricciuto qui est comme moi Spécialiste de la Nutrition de la Performance de l’Association
  59. Internationale des Sciences du Sport. Et nous sommes d’accord, évidemment.
  60. Maria Gonzalez : Vous parliez de substances séduisantes sur le papier et sans effet en pratique pour
  61. augmenter la testostérone…
  62. Emmanuel Legeard: Oui, dont l’isolation remonte aussi à la période 1972-1976, par exemple les
  63. triterpènes tirés du palaquium gutta ou de la bugle de Kachgarie. La turkéstérone est une
  64. phytoecdysone isolée de l'extrait méthanolique des racines de la bugle de Kachgarie. C’est
  65. l’analogue de la 20-hydroecdysone, l’hormone sexuelle qui déclenche la mue des arthropodes.
  66. Certaines plantes en contiennent pour se défendre des insectes en provoquant leur mue prématurée,
  67. ce qui introduit dans leur organisme une espèce de chaos métabolique dont ils meurent vite. On
  68. trouve des ecdystéroïdes dans les plantes les moins exotiques, comme les asperges. Le problème,
  69. c’est que ça ne marche pas non plus. Les effets notoires de la turkéstérone, qui est la plus puissante,
  70. c’est de dérégler le système digestif, de perturber les taux de sucre sanguin et de drainer les
  71. ressources nerveuses de l’organisme parce que c’est un excitant.
  72. Maria Gonzalez : Il n’y a donc rien qui puisse élever les taux de testostérone?
  73. Emmanuel Legeard : D’abord il faudrait s’entendre sur ce que ça veut dire, « augmenter la
  74. testostérone » ! En ce qui me concerne, c’est du slogan. Ça sonne creux déjà au départ. Le problème,
  75. c’est le piégeage par la protéine de liaison, la SHGB, et la conversion de la testostérone en DHT et en
  76. oestrogènes. La SHGB est produite dans les mêmes proportions que la testostérone. Elle se lie à 98%
  77. de la testostérone circulante et neutralise complètement la moitié. Donc ce qui faut considérer, c’est
  78. la testostérone libre. Or apparemment, il semble possible de l’augmenter par des extraits de racine
  79. d’ortie, du fait que celle-ci renferme un lignane. Les lignanes présentent souvent des caractéristiques
  80. structurales assez semblables aux hormones sexuelles pour mystifier l’organisme. A part ça, il y a
  81. l’acide aspartique, et bien d’autres choses encore. Un nutriment fétiche et «secret» de certains
  82. professionnels dans les compétitions de culturisme naturel, aux Etats-Unis, c’est le mustard honey, un
  83. mélange un-pour-un de miel et de moutarde qui, d’après eux, leur permet de réorienter leur
  84. organisme vers l’anabolisme en fin de prépa. Et, de fait, à y regarder de plus près, c’est un mélange
  85. intéressant à plus d’un titre, non seulement du fait de la concentration de la moutarde en
  86. brassinolides qui sont en quelque sorte les stéroïdes anabolisants dont les végétaux ont besoin pour
  87. la croissance de leurs tissus, mais encore parce que la combinaison des deux peut certainement
  88. stimuler le système immunitaire.
  89. Maria Gonzalez : Mais est-ce que tout ne dépend pas de la sensibilité à la testostérone, au final?
  90. Emmanuel Legeard : Oui, vous avez parfaitement raison. Tout dépend de la sensibilité des récepteurs
  91. musculaires. C’est beaucoup plus important que la testostérone même. Maintenant, comment améliorer naturellement sa sensibilité ? Par l’entraînement de force, aucun
  92. doute. Peut-être par l’électrostimulation. On l’a montré sur des rats. Le tartrate de carnitine, qui avait
  93. fait l’objet d’une campagne commerciale maquillée en articles scientifiques, ne m’a jamais
  94. convaincu, et le temps m’a semble-t-il donné raison, puisque le « tar-car » n’a pas l’air de faire effet
  95. sur grand monde.
  96. Maria Gonzalez : Toutes les protéines se valent-elles ?
  97. Emmanuel Legeard : Non, évidemment. Il y a des sources de protéines plus intéressantes que
  98. d’autres. L’oeuf, le quinoa…
  99. Maria Gonzalez : Comment calculer la ration idéale de protéines? Hier, je lisais une interview du
  100. professeur Tipton, la grande autorité en matière de métabolisme protéique, et il disait que le bilan
  101. azoté n’avait aucun intérêt?
  102. Emmanuel Legeard : Evidemment! Tout le monde est revenu du bilan azoté pour déterminer le statut
  103. ou les besoins d’un athlète; ça ne marche pas, c’est faussé. Les études abondent qui montrent une
  104. augmentation du bilan azoté sans aucun changement de la masse musculaire. C’est Rennie, je crois,
  105. qui a dit que s’appuyer sur le bilan azoté, c’était comme projeter un voyage dans la lune avec un fil à
  106. couper le beurre. Dire que ce n’est pas un moyen fiable de juger du gain de masse maigre n’est pas
  107. assez: c’est carrément qu’il n’y a aucun rapport. Même Hegsted l’admettait déjà en 68! Donc, c’est
  108. complètement rétrograde. C’est comme l’indice glycémique. A tout prendre, on pourrait au moins lui
  109. préférer la charge glycémique. Vous me demandez quelle est la ration idéale, et je n’en sais rien. Ce
  110. qu’il faut déterminer, c’est le rapport entre les macronutriments qui est idéal pour vous, et ça, c’est
  111. du suivi individuel. Il y a de grandes lignes au fonctionnement du corps humain, mais les méthodes
  112. sont des attrape-nigauds. Deux individus apparemment semblables peuvent réagir l’un très mal et
  113. l’autre très bien à un même régime. Et là, malgré toute la technologie postmoderne, c’est la grande
  114. leçon d’humilité parce qu’il faut tâtonner à l’intuition et parfois pendant des semaines avant d’y voir
  115. clair dans le métabolisme d’un individu.
  116. Maria Gonzalez : Il y a quelques années, vous avez dénoncé la plaisanterie des 40 grammes de
  117. protéines par repas, mais il y a encore des tas de gens à raisonner dans ces proportions-là. Quelle est
  118. l'origine de cette idée bizarre?
  119. Emmanuel Legeard: Attention; ce que j'ai dénoncé, comme vous dites, c'est les 40 grammes comme
  120. plafond, non les 40 grammes comme seuil, proportion tout à fait justifiée. Tout part d'un
  121. malentendu. Dans les années 60, le grand spécialiste du métabolisme des protéines, Hamish Munro
  122. qui dirigeait alors le département de nutrition humaine au MIT a montré que c'était le contenu des
  123. protéines alimentaires en acides aminés ramifiés qui décidait de la croissance musculaire, et que des
  124. trois – valine, leucine et isoleucine – c'était la leucine qui jouait le rôle déterminant. Munro a étudié
  125. plusieurs isolats de protéines, dont celui du soja qui était considéré depuis la fin des années 50
  126. comme celui de référence pour les plantes parce qu'il contient les 8 acides aminés essentiels, et celui
  127. du blanc d'oeuf, maître-étalon selon le "coefficient d'efficacité protéique" utilisé depuis 1919. Or il se
  128. trouve que le contenu en leucine de ces deux isolats est équivalent: 7 grammes pour 100 grammes.
  129. De sorte que pour apporter les 3 grammes de leucine que Munro pensait nécessaires à la
  130. surcompensation anabolique, il faut environ 40 grammes d'isolat de soja ou de blanc d’oeuf.
  131. Maria Gonzalez : Vous m’apprenez vraiment quelque chose, jamais je n’avais entendu parler de
  132. Munro.
  133. Emmanuel Legeard : Il gagne pourtant à être connu. Comme tous les pionniers qui ne sont pas
  134. vraiment dépassés et dont on ne fait en définitive que confirmer les intuitions ou les constats grâce
  135. aux moyens technologiques extraordinaires dont ils ne disposaient pas encore, mais qui ont peut-être,
  136. en revanche, détrôné l’imagination qui n’est manifestement plus au pouvoir.
  137. Maria Gonzalez: A ce propos, justement, et pour revenir au concept de plafond alimentaire : j’ai lu il
  138. y a dix ans un article de Monsieur Texier dans lequel il écrivait qu’il fallait obligatoirement être en
  139. déficit calorique pour maigrir et que les protéines alimentaires en trop pouvaient se stocker sous
  140. forme de graisse.
  141. Emmanuel Legeard: Une alimentation trop systématiquement riche en protéines peut faire du tissu
  142. adipeux, c’est certain, parce que l’accumulation d’acides aminés dans le sang déclenche le signal de
  143. la synthèse protéique et que ce signal est donné par une enzyme activatrice sensible à la leucine
  144. dont la cible, S6K1, a non seulement la capacité de surmener les cellules bêta sécrétrices d’insuline,
  145. ce qui souvent entraîne un diabète gras, mais encore de stimuler la prolifération des cellules
  146. graisseuses, donc l’invasion du tissu adipeux. De sorte que des rations à la fois très riches en protéines
  147. d’origine animale et très fréquentes présentent en effet le risque de rendre gras.
  148. Maria Gonzalez: Je croyais que c’était parce que les acides aminés se transformaient en glucose et
  149. que le glucose se stockait sous forme de graisse ?
  150. Emmanuel Legeard: Non, je ne crois pas que ce soit possible. D’abord, chez l’homme, la
  151. transformation du glucose en acide gras n’a pas lieu dans le tissu adipeux, comme chez le rat, mais
  152. dans le foie, et cette voie métabolique est si infime qu’elle ne compte pas vraiment. C’est de l’ordre
  153. d’un pour cent. Evidemment, si on avale tous les jours une boîte entière de sucres en morceaux en
  154. plus du reste, et sans bouger de son canapé, c’est tellement monstrueux qu’on peut tout envisager,
  155. mais cliniquement, les scientifiques ne sont jamais tombés sur un sujet au métabolisme de rongeur,
  156. même obèse. La conversion se fait presque exclusivement dans le foie, elle est négligeable. Quant à
  157. celle qui s’opère dans les cellules du tissu adipeux, elle est infime. Normalement. Deuxièmement,
  158. tous les acides aminés ne sont pas convertibles en glucose via la gluconéogenèse. Par exemple, la
  159. leucine dont nous parlions tout à l’heure n’est pas glucoformatrice. Elle est cétogène, c’est-à-dire
  160. qu’elle donne des corps cétoniques qui sont immédiatement utilisés à des fins énergétiques ou bien
  161. éliminés dans l’urine ou par la respiration, ce qui donne une mauvaise haleine à l’odeur de pomme
  162. qui est l’odeur de l’acétone. Troisièmement, la double conversion des acides aminés en glucose, puis
  163. du glucose ainsi gagné en graisse corporelle est trop tortueuse pour être efficace, sans compter que
  164. son coût énergétique en neutraliserait les effets. Enfin, il y a l'antagonisme insuline-glucagon: le
  165. corps ne peut pas simultanément encourager la dégradation des protéines en glucose et la
  166. pénétration du glucose dans les cellules graisseuses.
  167. Maria Gonzalez: C’est très intéressant. Vous parliez du rôle de mTOR dans l’engraissement. Je ne lis
  168. pourtant que des choses positives sur la voie mTOR…
  169. Emmanuel Legeard: La nature ne donne rien pour rien. L’activation de la voie mTOR est
  170. indispensable à la synthèse des protéines musculaires, mais la surstimulation du complexe mTOR
  171. provoque le diabète de type 2 et entraîne le vieillissement accéléré des cellules. Si la restriction
  172. calorique allonge considérablement la durée de vie, c’est parce que la signalisation mTORC–S6K1
  173. s’en trouve diminuée. De même, l’argument commercial du resvératrol, c’est qu’il retarderait le
  174. vieillissement par inhibition de mTORC-1. Pourtant, développer ses muscles et sa force passe
  175. obligatoirement par la stimulation de cette voie de signalisation. C’est la vie.
  176. Maria Gonzalez: Pour l’insuline, c’est la même chose : à la fois un bien et un mal. Provoquer des pics
  177. d’insuline est sans doute indispensable?
  178. Emmanuel Legeard: Le pic d'insuline est quelque chose d’excessivement malsain, ça crève les yeux, et
  179. pourtant je suis moi-même passé à côté, parce qu'on est tous plus ou moins piégés par le
  180. conditionnement culturel et ses tropismes, par le prêt-à-penser, comme on dit, qui détourne
  181. l’attention des vrais problèmes. Et puis un jour, je me suis mis à sérieusement reconsidérer la
  182. question, et tout à coup j’ai vu le pic d'insuline pour ce qu’il est : un phénomène tout à fait inquiétant,
  183. donc indésirable. Qu’est-ce que c’est, le pic d’insuline? C’est une réaction d'urgence à une
  184. perturbation interprétée comme toxique par l'organisme: le corps cherche par une salve désespérée
  185. à évacuer de la circulation un taux de sucre sanguin qui est contre nature. Il y a de l’ironie à comparer
  186. les réactions catastrophées - et comiques - face au pic de cortisol, alors qu’il s’agit d’une fluctuation
  187. ponctuelle sans importance, avec la totale indifférence au pic d'insuline qui n'est pas du tout un
  188. phénomène rassurant.
  189. Maria Gonzalez : En effet, c'est la première fois qu'on me présente la chose sous cet angle... Donc, le
  190. pic de cortisol est moins inquiétant que le pic d'insuline?
  191. Emmanuel Legeard : Ce n’est même pas comparable. Le rapport cortisol/testostérone à la fin d'une
  192. séance n'est révélateur de rien du tout, sinon de l'intensité de la séance, de sorte qu'on peut soutenir
  193. que c'est plutôt bon signe. Se mettre dans l’état d’excitation nécessaire pour mobiliser ses forces et
  194. attaquer les barres a inexorablement pour conséquence de libérer instantanément de l’adrénaline et
  195. de la noradrénaline, et au bout de quelques minutes du cortisol. C’est un mécanisme qui permet de
  196. déstocker du glycogène et de rendre les fibres rapides plus excitables pour une réaction immédiate.
  197. Si l’effort dure, le cortisol inhibe la sécrétion d’insuline afin que le glucose du foie puisse se déverser
  198. dans la circulation sanguine et satisfaire aux besoins du métabolisme d’alarme, qui est glycolytique.
  199. Maria Gonzalez : Donc le cortisol est une hormone catabolique…
  200. Emmanuel Legeard : Evidemment. Le cortisol, c'est une hormone catabolique. Mais ses effets
  201. délétères sur les protéines musculaires, s’ils sont réels, ne sont pas instantanés parce que c'est un
  202. facteur de transcription, comme la testostérone. Que vous ayez un pic de cortisol ou de testostérone,
  203. ça ne veut rien dire. Les étalons qui s'accouplent connaissent un pic de testostérone; ça n'a aucun
  204. effet anabolique sur leur musculature ou leurs temps de course à Longchamp. Le cortisol ou la
  205. testostérone n'ont d'effet que si leur élévation est chronique, c'est-à-dire si elle se maintient
  206. longtemps. Les fluctuations ponctuelles n'ont pas la même signification. De toute manière, pas de
  207. testostérone sans cortisol.
  208. Maria Gonzalez : Il n’y a pas de testostérone sans cortisol?
  209. Emmanuel Legeard : Non, parce que la prégnénolone, qui est l’hormone mère, est à la fois le
  210. précurseur du cortisol via la progestérone et de la testostérone via la DHEA et l’androsténédione, et
  211. que ces deux voies se délimitent réciproquement.
  212. Maria Gonzalez : Je comprends mieux… Quand on a une alimentation très riche en protéines, qu’estce
  213. qu’il faut adapter comme paramètres alimentaires ?
  214. Emmanuel Legeard : Il faut de la vitamine B6, parce que celle-ci est le coenzyme du métabolisme
  215. protéique, donc le facteur limitant des réactions. Il faut boire aussi, beaucoup. Les fibres sont
  216. indiquées parce qu’on est facilement constipé. Les enzymes digestives sont très utiles. Mais c’est une
  217. question très complexe. Il faudrait des heures pour y répondre convenablement.
  218. Maria Gonzalez: Et qu’est-ce qu’on peut utiliser comme suppléments naturels pour améliorer les
  219. séances, la caféine ?
  220. Emmanuel Legeard: Je constate que les gens sont très mal renseignés en général sur la caféine; ils en
  221. parlent beaucoup, mais sont incapables d'expliquer ce que c'est, comment ça marche, et cætera. En
  222. fait, il n’y a que sur les fibres rouges de type I à contraction lente et métabolisme oxydatif que la
  223. caféine agit comme stimulant, parce que celles-ci, à la différence des fibres blanches de type II,
  224. disposent d'un mécanisme de libération du Ca2+ sensible à la caféine. Tous les effets positifs de la
  225. caféine sur le muscle viennent de là. Par exemple, si la caféine encourage l’activité de la protéine
  226. lipase contenue dans les fibres rouges de type I à contraction lente, c'est parce que la protéine lipase
  227. est réactive à la teneur du milieu en Ca2+. Sinon, c'est parfaitement connu, la caféine bloque les
  228. récepteurs à l'adénosine produite par une diminution de l’irrigation sanguine et de l’apport
  229. d’oxygène. L’adénosine inhibe le bon fonctionnement du cerveau. Donc si la caféine bloque son
  230. action, elle permet certainement de faire reculer la fatigue. C’est bon pour une séance interminable
  231. de force-endurance. Mais pour l'athlète de puissance, je ne vois pas l'avantage.
  232. Maria Gonzalez : Mais il n'y a pas d'inconvénient pour autant?
  233. Emmanuel Legeard : Il y a des inconvénients majeurs avec la caféine. Les effets de la caféine, tout le
  234. monde le sait, ne sont notoires qu'à partir d'une forte dose. Ca pose de sérieux problèmes parce que
  235. ces effets contrarient clairement les adaptations désirables aux entraînements de force et de
  236. puissance. D'abord, comme vous le savez sûrement, ce qui fait la différence pour nous, c'est la teneur
  237. des muscles en fibres blanches de type II à contraction rapide, du fait que ce sont celles capables de
  238. développer leur force et leur puissance en ajoutant des unités contractiles en parallèle ou en série;
  239. c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce sont les seules disposées à l'hypertrophie fonctionnelle. Or
  240. ces fibres consomment du sucre. On dit qu'elles ont un métabolisme glycolytique. Eh bien la caféine
  241. ou la théophylline qui sont les alcaloïdes contenus dans le thé et le café ont ceci de particulier qu'ils
  242. empêchent les fibres blanches et les muscles rapides de reconstituer leurs stocks de glycogène par
  243. les deux voies de la contraction et de l'insuline. Moins de glycogène, c'est non seulement moins de
  244. sucre, mais aussi moins d'eau, donc un milieu intérieur défavorable à la croissance. Tout cela sans
  245. compter que l'assimilation des acides aminés est également perturbée. Par-dessus le marché, vous
  246. allez voir que j'ai gardé le meilleur pour la fin, la caféine enclenche le commutateur clef de la
  247. transformation des fibres rapides en fibres lentes, le PGC-1 alpha.
  248. Maria Gonzalez : Mais ça, il n'y a que vous à le dire?
  249. Emmanuel Legeard : Pas du tout. L'équipe de Handschin l'a prouvé, ainsi que l'équipe de Holloszy, et
  250. bien d'autres encore. Concernant la caféine et la théophylline, les Norvégiens sous la direction de
  251. Bolling l'ont encore démontré il y a un an ou deux... Tout le monde est au courant que la caféine
  252. renforce l’expression du PGC-1 alpha, dont on sait très bien qu’il est régulé par des canaux calciumdépendants.
  253. On en parle régulièrement comme d'un bienfait parce que l'expression renforcée du
  254. PGC-1 alpha sous l’effet de la caféine favorise la biogenèse mitochondriale. Soit! Tout dépend des
  255. objectifs. Mais en ce qui nous concerne, le remplacement du phénotype glycolytique anaérobie par
  256. le phénotype oxydatif n’est pas quelque chose d’avantageux.
  257. Maria Gonzalez : S’il y a des aliments ou des substances capables de transformer les fibres de type II
  258. en fibres de type I, est-ce que l’inverse est possible?
  259. Emmanuel Legeard : Bien sûr. Par exemple, l’iode, la vitamine D ou la citrulline encouragent la
  260. conversion dans le sens type I, type II. D’après D’Antona, l’alimentation hyperprotéique y
  261. contribuerait aussi. Et évidemment, l’hydratation est très importante pour l’entretien et la croissance
  262. des fibres rapides, ainsi que l’apport calorique, notamment sous forme glucidique parce que les
  263. fibres blanches de type II s’étiolent et peuvent même se transformer si leur carburant spécifique se
  264. fait rare. Il y a une centaine d’études montrant que les fibres rapides se détériorent en priorité dans
  265. les régimes hypocaloriques ou chez les dénutris. C’est pour cette raison qu’on leur a donné le nom de
  266. fibres réservoirs. Et même s’il n’y a jamais eu, à ma connaissance, d’études spécialement consacrées
  267. aux rapports entre le régime sans hydrates et l’intégrité des fibres rapides, je suis absolument
  268. persuadé qu’un régime « zéro sucre » est mauvais pour les fibres blanches. Ça me semble si
  269. implacablement logique que je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.
  270. Maria Gonzalez : Je vous remercie de m’avoir accordé cette interview passionnante.
  271. Emmanuel Legeard : Mais non, c’est moi qui vous remercie.
  272. (c) M.Gonzalez, 2013
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